Suite à la perquisition effectuée chez Jean-Luc Mélenchon, un contributeur répondant au pseudonyme de Disjecta a publié le 22 octobre 2018  sur Agoravox le message suivant :

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/colere-de-melenchon-l-education-208823

Mise en cause dans l’article, je me permets d’y répondre mais la longueur de mon texte m’interdit de l’insérer dans les commentaires d’Agoravox. Le voici.

Monsieur,

Dans le long article que vous a inspiré la perquisition faite au siège de la FI et au domicile de Jean-Luc Mélenchon vous citez mon nom, et un moteur de recherche m’amène vers vous.

Votre ignorance des choses de l’Histoire en général, et de la Révolution en particulier m’amène à tenter de vous communiquer quelques données qui devraient, en principe, vous être utiles. Personne n’a rien à gagner à l’ignorance, n’est-ce pas ?

L’Histoire, c’est compliqué, mais c’est néanmoins précis, et c’est comme pour l’information, il faut citer ses sources. Voici quelques-unes des miennes.

La trahison de Louis XVI que vous invoquez pour justifier son exécution n’a jamais existé. Jamais au grand jamais le roi n’a trahi ni son serment ni sa parole, jamais il n’a fait appel à l’étranger et l’intégralité de son procès est un montage destiné à justifier son élimination. Si vous voulez savoir précisément ce qui s’est passé je vous recommande quelques ouvrages particulièrement fouillés et truffés de sources incontestables :

Enquête sur le procès du roi Louis XVI, par Paul et Pierrette Girauld de Coursac,1982.

Philippe-Egalité, par Hubert Lamarle, 2008.

Les Girondins et les massacres de septembre, par Adolphe Granier de Cassagnac, 1860.

Contrairement à ce que vous affirmez, le peuple français n’était pas révolutionnaire. La Convention a été élue par 10% du corps électoral qui excluait les femmes, c’est-à-dire par 5 % de la population active (les chômeurs ne votaient pas). Ces 10 % ne peuvent être considérés comme « le peuple ».

Concernant les « privilèges iniques de la monarchie » qui auraient menacé le corps des miséreux, permettez-moi de rectifier : les privilèges, sous l’ancien régime, comptaient ce qu’on appellerait aujourd’hui les « droits acquis ». Tout ce qui faisait l’équivalent de la protection sociale sous l’Ancien régime, le droit à la retraite, l’assurance chômage, assurance maladie, veuvage, handicap etc. (la liste est longue) a été considéré comme « privilège » et a été interdit lors de la glorieuse nuit du 4 août 1789. Ça c’est pour la misère des villes.

Pour celle des campagnes (90 % de la population), la cause de la misère n’était pas les privilèges, mais la libre-circulation des subsistances, c’est-à-dire l’économie de marché imposée petit à petit par le glorieux mouvement des Lumières et finalement acceptée par le roi. Sous l’ancien système, les prix étaient « taxés » c’est-à-dire que leur taux était fixé par la négociation en vue du bien commun, et sous la protection du roi.

Partout en France, la Révolution a été précédée de gigantesques manifestations de foules hurlant « taxation ! taxation ! ». Là était la revendication du peuple. On la lui refusera jusqu’au bout.

Le roi avait résisté tant qu’il pouvait à cette marche inexorable du capitalisme, mais l’endettement catastrophique où se trouvait le Trésor l’avait convaincu d’écouter les sirènes libérales et de libéraliser le marché du grain. Catastrophe épouvantable pour le peuple, mais victoire éclatante pour les révolutionnaires qui se sont empressés de constitutionnaliser l’économie de marché dès les premières semaines de la Révolution.

Seul le roi aurait pu faire machine arrière : on l’en a empêché en en faisant une potiche juste bon à entériner les décisions calamiteuses des bourgeois enfin arrivés à leurs fins.

Pour comprendre la montée inexorable du capitalisme, jusqu’à la victoire de 1789, je vous conseille l’énorme « Le Pain, le peuple et le roi, la bataille du libéralisme sous Louis XV » de Steven Kaplan, 1986. Une mine d’or.

Ce ne sont hélas pas les « privilégiés de la noblesse et du haut-clergé » qui ont fini sur l’échafaud, mais les petites gens. Lisez l’excellent Louis-Marie Prudhomme, contemporain des événements, qui a commencé par applaudir à la Révolution avant d’en dénoncer les horreurs : « Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française », paru en 1797.

Contrairement à ce qu’on dit, la Terreur ne fut pas la politique exclusive de la République montagnarde, mais le sentiment qui prévalut dès les six mois qui précédèrent la prise de la Bastille, jusqu’à la mort de Robespierre, d’un bout à l’autre du royaume, puis de la République.  Vous en aurez un tableau saisissant en lisant l’énorme livre d’Hyppolite Taine dont je vous recommande particulièrement le tome 2/5, intitulé L’Anarchie. Vous verrez ce que fit sur le peuple français l’effondrement de l’autorité royale et la victoire de l’économie de marché promue par les loges maçonniques victorieuses.

Il me semble très difficile de connaître le chiffre exact des victimes de l’horreur révolutionnaire : on peut en tout cas reconnaître que ce fut un bain de sang et d’épouvante.

Pour ce qui me concerne et pour en venir à ce qui vous fait parler de moi dans votre article,  je précise que j’ai finalement fait le choix de ne plus parler de génocide en parlant de la Vendée, mais de populicide, puisque c’est le terme employé par Gracchus Babeuf, dont je vous recommande vivement la lecture de l’excellent « Du Système de dépopulation, ou  la vie et les crimes de Carrier », paru en l’an III de la République, c’est-à-dire en 1795 si je ne m’abuse.

Vous trouverez mention de ce choix en écoutant les conférences suivantes :

http://marionsigaut.com/2016/02/11/le-populicide-vendeen-conference-au-nom-du-peuple-par-marion-sigaut/

http://re-histoire-pourtous.com/roi-dette-revolution/

http://re-histoire-pourtous.com/france-fille-ainee-de-leglise-grandeur-decadence/

https://www.youtube.com/watch?v=puw3meXAN5w

Il y en a d’autres qui n’ont pas encore été mis en ligne, ça viendra peut-être.

Enfin je me permets de vous signaler que, passionnée depuis toujours par l’histoire de la Commune de Paris, je ne me suis jamais permis et ne me permettrai pas d’en parler, simplement parce que je n’ai pas la compétence à ce sujet, ce qui me semble une raison suffisante.

Si vous voulez savoir qui a jeté à la rue des millions d’ouvriers du jour au lendemain, lisez enfin le décidément excellentissime Steven Kaplan, auteur de « La fin des corporations » paru en 2001, qui montre bien que c’est la Révolution qui prolétarisa un monde ouvrier protégé et prospère, pour le plonger dans la barbarie économique.

Sous l’Ancien régime, l’outil de travail appartenait à l’ouvrier. A partir du 4 août il appartient au capitaliste. Merci qui ?

Je pense que quand vous aurez lu ces quelques ouvrages, vous comprendrez, comme je l’ai fait moi-même, que la Révolution française  a été faite par les capitalistes, que le peuple français, qu’il soit l’ouvrier des villes ou le paysan de la campagne, était globalement hostile à la disparition de ses privilèges au profit de l’argent-roi, et que les mesures autoritaires prises par les Montagnards pour tenter d’enrayer la vie chère n’ont fait qu’aggraver la situation : une fois disparue la police des grains –qu’aucun révolutionnaire n’a demandé à rétablir puisque c’était la police du roi- plus personne ne répondait à la demande insistante, récurrente, obsédante du peuple : la taxation des denrées.

J’imagine bien sûr que vous n’allez pas avoir le temps de lire ces différents ouvrages en un clin d’œil, j’ai mis des années à les découvrir et à les assimiler. J’ai fait quantité de vidéos dans lesquelles je les cite. Elles sont sur mon site et/ou sur celui d’Egalité et Réconciliation, disponibles en un clic.

Vous avez le droit, bien sûr, de considérer que j’ai tort et que j’aurais dû continuer de croire à la série de mensonges que la République nous distille depuis deux siècles. J’ai fait le choix de rechercher la vérité, quoi qu’elle m’en ait coûté.

Je vous souhaite de faire le même chemin.

Marion Sigaut

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Infos de l'auteur

Marion Sigaut est bourguignonne. Née en 1950, elle a commencé à publier en 1989. Au début ses livres sont des récits autobiographiques (Le Petit Coco, Les Deux Cœurs du monde, du kibboutz à l’Intifada, Russes errants sans terre promise) qui racontent notamment sa rencontre avec Israéliens et Palestiniens. Puis, sa connaissance de la réalité israélo-palestinienne l’amène à publier quelques livres de commande auprès des éditions de l’Atelier. D’abord Libres femmes de Palestine et Mansour Kardosh, un juste à Nazareth, puis La Terre promise aux Sud-Africains. En 2001 elle reprend ses études d’Histoire, et commence à publier sur le sujet.

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