L’énigme Damiens

Dans le courant des années 1990, quand l’Histoire n’était encore pour moi qu’un loisir, j’ai été interpellée par un épisode que je connaissais depuis longtemps, mais dont la signification m‘échappait encore : la mort ignominieuse de Robert-François Damiens.

De lui je ne connaissais rien, c’était sa mort qui était célèbre. Feu mon père, en son temps, avait l’habitude de dire que le « Siècle des Lumières » était bien barbare pour avoir produit une telle horreur : un dépeçage public agrémenté de tout ce que le sadisme peut inventer pour faire durer une souffrance poussée à son ultime extrémité. Les « Lumières » ? Elles avaient toléré ça.

Mais au fait, à quel propos ? On savait, et mon père aimait à le souligner, que le malheureux avait attaqué le roi à l’aide d’un petit couteau, et que Louis XV n’en avait eu qu’une estafilade sans suites fâcheuses.

Mais la gravité du crime de lèse-majesté ne réside pas dans la gravité de la blessure : porter la main sur le roi, et a fortiori dans une intention criminelle était un crime en soi passible des derniers supplices : Damiens y eut droit.

Ce déchaînement de barbarie n’interpelle pas seulement sur l’état mental de ceux qui l’ont inventé et soutenu. Il est avéré que Damiens, domestique dans le milieu judiciaire, ne pouvait ignorer ce qu’il encourait. Qu’est-ce donc qui a pu justifier qu’il affronte une telle mort, à laquelle il ne pouvait échapper ?

Mon petit doigt, mon instinct disons, me soufflait quelque chose.

J’ai travaillé des années sur le dossier Damiens, et je suis allée jusqu’en Allemagne pour exhumer les brouillons des rapports que l’excellentissime Prince de Croÿ, chargé de l‘enquête en Artois sur cet Artésien de naissance, avait rédigés.

Ce que j’ai découvert a fait l’objet d’un énorme travail accompli sur plusieurs années :

– J’ai repris des études d’Histoire à zéro, passé une licence, une maîtrise et un Dea (de deux derniers diplômes sont appelés actuellement Master 1 et Master 2.)

– J’ai épluché et lu sur tous les documents disponibles aux chercheurs au sujet de Damiens, sur son époque et l’environnement dans lequel il évoluait.

– J’ai écrit et proposé à la publication un gros livre sous la forme d’un essai. Mon éditrice m’a proposé de scinder mon travail en deux : d’une part écrire au sujet des enlèvements d’enfants à l’époque de Damiens (dont tout laisse supposer qu’on enleva sa fille…), et ensuite de refaire un récit spécifiquement sur lui.

– Jacqueline Chambon a publié La Marche rouge, travail de référence entièrement sourcé qui raconte un soulèvement de parents contre la police du roi qui procédait à des enlèvements, mais aussi soulève l’hypothèse d’un trafic pédocriminel à l’Hôpital-général, institution ancêtre de l’Assistance publique.

Marche rouge1

– Enfin je suis revenue à Damiens, qui était mon sujet de départ. Et là mon éditrice ‘a demandé de transformer en roman ce qui était un essai.

J’ai fait ce roman, qui a été publié sous le titre « Mourir à l’ombre des Lumières, l’énigme Damiens ». Il est à l’heure actuelle épuisé chez l’éditeur qui n’a pas l’intention de le republier.

Mourir à l'ombre des Lumières

– Enfin en 2014, en collaboration avec un excellent dessinateur, Loïc Sergeat, j’ai cosigné une bande dessinée intitulée « Damiens, la véritable histoire », dans laquelle on retrouve toute a recherche, simplement mise en scène et en images, en très belles images.

Damiens BD

J’ai donné plusieurs conférences sur Damiens : L‘une à Paris

 

et l’autre à Arras.

 

J’ai évoqué ce dossier à différentes reprises, et j’y reviendrai.

 

 

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Infos de l'auteur

Marion Sigaut est bourguignonne. Née en 1950, elle a commencé à publier en 1989. Au début ses livres sont des récits autobiographiques (Le Petit Coco, Les Deux Cœurs du monde, du kibboutz à l’Intifada, Russes errants sans terre promise) qui racontent notamment sa rencontre avec Israéliens et Palestiniens. Puis, sa connaissance de la réalité israélo-palestinienne l’amène à publier quelques livres de commande auprès des éditions de l’Atelier. D’abord Libres femmes de Palestine et Mansour Kardosh, un juste à Nazareth, puis La Terre promise aux Sud-Africains. En 2001 elle reprend ses études d’Histoire, et commence à publier sur le sujet.

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