Le récentisme est une théorie qui affirme, preuves scientifiques prétendument à l’appui, que les historiens se trompent, et que l’histoire du monde est totalement différente de ce qu’on nous en dit, notamment dans son déroulement chronologique.
C’est par le philosophe Pierre Dortiguier que le sujet a été vulgarisé, notamment grâce à des vidéos diffusées sur internet.
Selon cette théorie, il existerait une « chronologie officielle » mensongère et truquée, à partir de laquelle tout notre passé a été inventé et/ou arrangé. Tout serait beaucoup plus récent qu’on ne le croit. Il faudrait retirer à notre histoire des siècles, voire un millénaire ou plus, tous les récentistes ne sont pas d’accord.
Ces derniers se définissent comme des chercheurs indépendants, hors du    « système », donc libres. Ils se disent plus compétents que ceux qui ont étudié l’Histoire ou l’archéologie.

Nous vivons dans un monde de mensonges, où  les intellectuels ont depuis longtemps abdiqué et trahi. Dès lors un tel révisionnisme apparait comme fort séduisant. Pourtant, suffit-il de réfuter ce qui est communément admis, en le qualifiant « d’officiel », pour avoir raison ? Ce serait tellement plus simple.

Une des figures les plus incontournables du récentisme est le mathématicien russe Anatoli Fomenko, que ses adulateurs présentent comme un génie. Son impressionnante production écrite de plus de 4000 pages est, pour l’heure, uniquement disponible en russe ou en anglais.
Que le modeste francophone gaulois se console : il peut écouter une version française des théories de Fomenko, que celui-ci présente dans treize vidéos d’une cinquantaine de minutes chacune (soit plus d’une dizaine d’heures).
Nous espérons que ce qu’il y dit n’est pas en contradiction avec ce qu’il écrit.

fomenko

Anatoli Fomenko

Il expose ainsi sa théorie dite de la « Nouvelle chronologie ». Après la Nouvelle vague, le Nouveau roman, le Nouvel observateur, la Nouvelle philosophie (avec Alain Minc et Bernard-Henri Levy dans le rôle des nouveaux philosophes), la Nouvelle droite, la Nouvelle histoire, la Nouvelle écologie et la Nouvelle cuisine moléculaire, voici donc la Nouvelle chronologie.

Prenons la vidéo numéro 12, de M. Fomenko, disponible sur YouTube, qui résume les précédentes et s’intitule « La nouvelle chronologie dévoilée ».
Dès les premières minutes, l’information capitale est donnée : l’histoire du monde débute à ce que nous appelons par erreur et un peu bêtement le XIe siècle de notre ère, c’est-à-dire il y a 1 000 ans. Toute l’histoire du monde s’est donc déroulée en un millénaire seulement. Pour faire simple, il faut enlever le « 1 » des dates admises : la bataille de Bouvines daterait de 214 et non 1214, les templiers furent arrêtés en 307 et non 1307 et nous sommes donc 1016 années après la mort du Christ. Et pourquoi pas ? Mais quelles sont les arguments du mathématicien ?

Selon Fomenko, il est impossible que les mégalithes, les savoirs mathématiques avancés et les écritures mystérieuses que l’on trouve un peu partout à la surface du globe soient dus aux civilisations anciennes, dites de l’âge du fer ou du bronze. La science occidentale moderne est la seule à avoir pu découvrir et comprendre les mathématiques et l’architecture ; c’est donc à l’Occident moderne qu’il faut attribuer toutes ces merveilles archéologiques.
On peut sans conteste attribuer à ces propos la palme de l’autolâtrie et de l’arrogance de l’homme moderne occidental.
Une des formidables arnaques conceptuelles du récentisme s’appuie à la fois sur notre bons sens et sur des découvertes archéologiques récentes très importantes. La vision que l’on nous a imposée de la très haute antiquité se délite complètement. Nos ancêtres idiots, velus et vêtus de peaux de bêtes, grognant et chassant le bison ne peuvent avoir, le soir autour du feu entre deux tailles de silex, bougé des mégalithes de plusieurs dizaines de tonnes, construit des bâtiments cyclopéens et trouvé le moyen de les aligner avec les équinoxes tout en respectant les proportions du nombre d’or. Or, au lieu de supposer que ces différentes civilisations (les érecteurs de Stonehenge, les constructeurs des pyramides d’Égypte, la bâtisseurs de Téotihuacan etc.) étaient très certainement plus développées qu’on ne le prétend et qu’il se peut qu’elles aient possédé une science et des savoirs aujourd’hui oubliés, Fomenko fait l’inverse. Il affirme péremptoirement que, la modernité ayant seule pu accoucher de ces merveilles, il faut raccourcir le temps qui nous en sépare. Ce point de départ de la réflexion permet aujourd’hui aux récentistes, de transformer des découvertes archéologiques qui bouleversent notre vision du passé, en inversant complètement le sens de ce que l’on découvre. Tout les pans des recherches de l’archéologie « interdite » nous apportent des faisceaux d’indices et des preuves matérielles qui tendraient à vieillir l’histoire de l’humanité. Tout ceux qui s’intéressent aux fameuses pyramides d’Égypte, et même les plus farfelus, les imaginent plus vieilles de plusieurs milliers d’années que le règne de Khéops. Mais pour certains recentistes, l’incroyable prouesse technique et technologique de la construction des pyramides prouvent qu’elles furent édifiées à peu près sous Napoléon. Navrant…

Revenons à Fomenko, toute l’histoire de l’humanité ramassée en 1000 ans, concrètement, à quoi cela ressemble? Résumons en quelques lignes «L’histoire sur l’échelle des vrais dates chronologiques» selon Anatoli Fomenko et son équipe.

Attention, ça pique !

L’écriture serait apparue au XIe siècle, de manière simultanée et non concertée dans le monde mais sous des formes extrêmement variées : hiéroglyphes d’Égypte, cunéiformes mésopotamiens, alphabet phénicien et idéogramme chinois, entre autres. Non, ne demandez pas comment cela est possible, c’est comme ça et puis c’est tout !
Les époques antérieures au XIe siècle doivent être considérées comme de la préhistoire : les gens vivaient dans des grottes ou dans des huttes, taillaient des outils primitifs, des flèches et sculptaient des os de mammouths.

Les biologistes seront intéressés d’apprendre que l’extinction du mammouth est postérieure au baptême de Clovis et aux prêches du prophète de l’Islam Mahomet !
La chine des Han, (206 av JC ; 20 ap JC) les Sumériens, (environ 3000-2000 av JC), l’Égypte pharaonique, (3100-30 av JC) la Grèce antique, (dont l’apogée fut le Ve siècle av JC)  l’Inde Védique (1700-650 av JC) et même la Rome républicaine puis impériale (500 av JC ; 476 ap JC) ont bien évidemment existé (ah ! ouf!)  mais après le XIe siècle de notre ère. C’est-à-dire il y a mille ans. Toutes en même temps du coup…

Après avoir repris notre souffle sur cette ahurissante affirmation, (dont on a du mal à comprendre et percevoir les tenants et les aboutissants), poursuivons : que s’est-il donc passé dans les années 1100-1200 (selon notre calendrier biaisé, « officiel ») ?
Sachez que la ville d’Istanbul a plusieurs fois changé de nom : elle fut Byzance durant l’antiquité, devint Constantinople lorsque l’empereur romain Constantin y fit sa capitale, puis Istanbul après 1453, lorsque les Turcs se rendirent maîtres de la ville. Mais grâce à Fomenko nous apprenons qu’elle fut également la vraie Jérusalem biblique, la Troie antique (attaquée par Achille, Agamemnon et Ulysse après que Pâris y eût rapté Hélène) et la « seconde Rome » (qui n’est pas la ville de Rome que nous connaissons en Italie mais Rome comme un lieu conceptuel, une idée, le centre d’un empire en déplacement selon Fomenko).
Jésus-Christ vint au monde à Constantinople en 1152. Le tsar Vladimir, sa femme et son général virent lui rendre hommage dans la crèche (pour lui serrer la pince ?) : ainsi doit-on comprendre ce que les Évangiles nous décrivent comme la visite des rois mages.
Cette affirmation est-elle due à la ressemblance frappante entre la femme du Tsar et Melchior de profil ?
Fomenko ne nous le dit pas. Le fait que les Rois mages venaient de l’Orient vers Bethléem, c’est à dire depuis l’Ouest vers l’Est, ne correspond pas non plus à une descente du Nord (Russie) vers Constantinople (Sud). Cela semble également  être un précieux indice de falsification géographique, malheureusement Fomenko n’en souffle mot.
La Jérusalem de Palestine? Elle fut fabriquée de toutes pièces au XVIIIe siècle (date officielle) par les Occidentaux. ( Comment ? Pourquoi? Mystère et boule de gommes…)
La Russie ne fut d’ailleurs pas seulement la patrie des « Rois mages » elle fut aussi le lieu de naissance de la Vierge Marie.

En 1185, le Christ fut crucifié par les autorités de Constantinople. Cela rendit fous de rage les cosaques russes (qui avaient été christianisés avant même la diffusion des évangiles par les apôtres, qui écrivaient en grec), et ils fomentèrent les croisades contre Constantinople/Jérusalem/Byzance/IIe Rome (conceptuelle)/Troie/Istanbul (ouf !).
C’est cet événement que raconte Homère dans l’Iliade, où les cosaques sont appelés Achéens. On est ravi d’apprendre que le bouillant Achille et le roi Agamemnon, furieux de la mort de Jésus-Christ, ont participé aux croisades contre Constantinople. Homère semble être le seul à rapporter cette histoire de cheval en bois imaginé par Ulysse, un élément que l’on ne retrouve pas lors de la prise de Constantinople par les croisés francs en 1204.
Fomenko nous révèle également que la guerre de Bélisaire contre les Ostrogoths à Constantinople, (que nous plaçons bêtement au VIe siècle après JC, c’est-à-dire il y a 1500 ans), et l’écrasement en Italie des Étrusques par Tarquin (au VIe avant JC, il y a 2500 ans) sont des recopies de ces croisades (que nous considérons comme ayant eu lieu il y a 900 ans en Palestine), et sont, en vérité, le même et unique événement. Mais comment en arrive-t-on à de telles affirmations ? Parce qu’il existe des similitudes troublantes entre toutes ces batailles…  L’argument d’autorité !

En ce cas, nous pourrions lui suggérer de confondre ces mêmes croisades avec le siège de Paris par les Vikings au Xe siècle, l’affrontement aux Thermopyles des 300 guerriers du spartiate Léonidas face à l’empire Perse, Hannibal le carthaginois et ses éléphants, réduisant à néant les légions romaines à Cannes ou encore  le pharaon Ramsès II à la Bataille de Qadesh contre une coalition hittite au Proche-Orient : toutes ces batailles présentant des similitudes troublantes, comparaison devient raison.

Apprenez qu’après avoir conquis Constantinople, la horde cosaque russe  ne se reposa pas sur ses lauriers mais partit à la conquête DU MONDE !

Au XIVe siècle (du calendrier « officiel »), le tsar russo-mongol Youri III/Ghengis Khan mourut, et on l’enterra sur le plateau de Gizeh où les trois pyramides furent construites à l’occasion de ses funérailles. La vallée des rois de Louxor (en Egypte, permettons-nous de le rappeler), elle, n’a jamais été une nécropole de pharaons égyptiens, mais le tombeau de rois Cosaques russo-mongols morts il y a 700 ans. Et pourquoi pas ? Puis Yvan Kalita, frère de Ghenghis Khan, s’empara du pouvoir, fonda à Rome le Vatican où il instaura la papauté avant d’aller fonder le califat à Bagdad. Ses armées impériales, dévastèrent ensuite le monde connu. Les cavaliers mamelouks égyptiens et même les samouraïs japonais (ces derniers n’étaient-ils pas originaires de la ville russe de Samsara ?) ne sont rien d’autre que ses hordes cosaques qui mirent en coupe réglée la totalité du continent eurasiatique. Ils ne s’arrêtèrent pas là et nos cosaques russo-mongols, templiers/ mamelouks armés de Katanas japonais passèrent le détroit de Behring, fondèrent les sociétés mayas, aztèques et Incas en Amérique, le tout en l’espace d’une cinquantaine d’années.

Ça c’est une nouvelle chronologie ! On ne pourra pas dire que l’on est venu pour rien !

Pour les passionnés et les sceptiques voici le lien vers cette merveilleuse vidéo.

Alors oui, nous rigolons. Nous rigolons de ce naufrage de la pensée qui veut tordre le réel à des fins de propagande où les Russes auraient tout inventé, tout conquis, où la Russie serait le centre du monde, la patrie de la Vierge Marie (et donc de son fils), le berceau des civilisations japonaise, chrétienne, musulmane, aztèque, inca etc. Rien n’est sérieux et rien n’est crédible. Toute la théorie de Fomenko, flanquée des oripeaux de la science « dure », mathématique et astronomie n’est qu’un cache-sexe pour s’autoriser un délire russo-centré voire russo-maniaque et russolâtre.

Il n’est pas le seul d’ailleurs à profiter de la décadence intellectuelle du monde occidental et de la chape suffocante de mensonges et de travestissements qui nous asphyxie tous.

Nas Boutaminia, à lui inventé le Rétablisme. Dans son modèle, la civilisation grecque n’a pas transmis les sciences au monde occidental, Pythagore, Ptolémée et Archimède sont des inventions. Les arabes musulmans, ont inventé les sciences (avant, aucune civilisation n’avait pensé à inventer la médecine, les mathématiques ou l’architecture). Les musulmans ont fabriqué l’empire chinois également. En gros, en dehors de l’Islam rien n’existe ; récentisme russe, rétablisme  arabo-musulman, variations sur le même thème pourraient dire les mélomanes.

Dans les années 1960, un français réfugié en Argentine et très proche des scientifiques nazis avait travaillé sur les « découvertes » du continent américain par les européens, longtemps avant Christophe Colomb. Il s’appelait Jacques de Mahieu et une partie non-négligeable de son travail est tout à fait sérieuse. Surfant sur la vague des découvertes archéologiques qui tendaient à prouver que des moines celtes, puis des scandinaves (vikings) voyagèrent vers le continent américain, il se mit à tirer sur la corde. Les découvertes de drakkars sur les plages du Canada, la présence de mégalithes de style dolmen,  les récits mythiques étranges des scandinaves et des populations Iroquoises ainsi que des découvertes très controversés comme la fameuse pierre de Kensington accréditent parfaitement la thèse de contacts bien antérieurs au fameux voyage de Christophe Colomb. Oui mais cela donna l’occasion à Mahieu, de délirer sur l’idée que les scandinaves (race aryenne) avaient forcement apporté la culture à tous ces sauvages. Les blancs devenaient ainsi les constructeurs des pyramides mayas (alors que les vikings  ne se sont pas distingués par des constructions spectaculaires chez eux, érigeant en bois et de taille plutôt modeste leurs habitats, ils se seraient pris d’une fièvre bâtisseuse dans la forêt mexico-guatémaltèque) et carrément les initiateurs des civilisations amérindiennes, aztèques, incas et même indiens guyakis. Pourquoi ? Parce que l’homme blanc est forcement plus intelligent, plus civilisé et plus avancé que l’homme rouge. Une très belle manière de pourrir toutes les recherches sérieuses sur ce sujet. Le fait que Mahieu ait été  très proche des nazis et ait teinté ses ouvrages de mysticisme néo-païen à tendance wotanique est du pain béni pour ses détracteurs.

Les vidéos suivantes sont en espagnol mais les titres sont évocateurs; l’Empire Viking de Tiahuanaku et les Troyens (encore les protagonistes de l’Iliade, décidément c’est une marotte!) en Amérique

Le vrai complotisme ne serait-il pas de se demander, si tous ces mouvements ne sont pas en réalité des écrans de fumées, initiés ou utilisés par le système, pour brouiller les pistes. Qui peut aujourd’hui énoncer des doutes sur la datation et la fonction des pyramides sans passer pour un zozo ? Qui peut évoquer les problèmes de datation que pose la découverte du tumulus de Gobeklï Tépé en Turquie ou même l’existence du disque de Nébra sans faire appel aux martiens, aux habitants de la terre creuse, aux reptiliens, à la planète Nibiru etc. Certains sujets fondamentaux pour la compréhension du monde et de l’histoire sont devenus le pré carré de sectes New-âge. Impossible de lire quoi que ce soit sur les templiers sans tomber sur les loges et les délires mystiques, qui, excusez du peu,  menèrent les adeptes du temple solaire, (ordre soi-disant templier ) à transiter vers Sirius, c’est à dire à se suicider collectivement en 1995. Impossible également d’avoir accès à des exposés sérieux sur les hérésies occitanes, catharisme notamment, sans rencontrer toute une bande d’illuminés païens, déblatérant sur les chakras et la lumière, cherchant le trésor secret de Montségur ou de Rennes-le-Château, se donnant rendez-vous pour les solstices ou les équinoxes dans le but de rentrer en contact avec les énergies du cosmos dans des parodies de cultes bouddhique, hindouiste, ou germanique.

C’est la parfaite illustration des voyages d’Ulysse, ou l’on passe de Charybde en Scylla, coincé entre un discours officiel ou « mainstream » qui ne répond pas aux véritables questions et élude les problème et un délire mystico-cosmique, de sectateurs en tous genres, manipulés par les loges, les services secrets et les mafias, travaillant activement et insidieusement à la mise en place du Nouvel Ordre mondial noachique.

C’est complet, il ne manque rien, à part la vérité peut-être. Il paraît qu’elle seule nous rendra libres mais il semble que nous soyons encore loin des rivages d’Ithaque.

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Infos de l'auteur

Marion Sigaut est bourguignonne. Née en 1950, elle a commencé à publier en 1989. Au début ses livres sont des récits autobiographiques (Le Petit Coco, Les Deux Cœurs du monde, du kibboutz à l’Intifada, Russes errants sans terre promise) qui racontent notamment sa rencontre avec Israéliens et Palestiniens. Puis, sa connaissance de la réalité israélo-palestinienne l’amène à publier quelques livres de commande auprès des éditions de l’Atelier. D’abord Libres femmes de Palestine et Mansour Kardosh, un juste à Nazareth, puis La Terre promise aux Sud-Africains. En 2001 elle reprend ses études d’Histoire, et commence à publier sur le sujet.

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