François Quesnay
Penseur ou imposteur ?

 

Enfant de Méré, paisible commune des Yvelines, François Quesnay, fut  un des personnages clés du mouvement intellectuel du 18e siècle qu’on appelle les Lumières.

Fils de paysan, il quitta le foyer maternel à la mort de son père pour suivre à Paris un graveur nommé Pierre de Rochefort qui officiait à l’Académie des Sciences et dont il fut l’apprenti. Les conférences auxquelles il assista aiguisèrent sa curiosité et firent naître son goût pour l’anatomie et la chirurgie.

Après une rapide formation au métier de chirurgien, il se fit connaître comme accoucheur et se fit introduire dans des salons parisiens où il passa pour médecin et où personne ne l’interrogea sur des diplômes qu’il n’avait pas[1].

En fait François Quesnay participa au grand mouvement consistant à élaborer des théories lues dans les salons où se faisaient les réputations. Il publia notamment des écrits sur les progrès de la chirurgie et sur les vertus de la saignée. A ce propos, l’Encyclopédie de Diderot, dit que « C’est un des plus grands & des plus prompts moyens de guérison que la Médecine connoisse » et l’article se termine par un hommage au célèbre Méréen : « M. Quesnay a fait un excellent traité de Chirurgie, sur l’art de guérir par la saignée[2]. »

Son entregent et ses relations mondaines lui permirent de s’attacher au service du duc de Villeroy qu’il suivit à la guerre. Muni d’un faux diplôme de médecine, il entama une brillante carrière qui le mena jusque dans l’antichambre de la maîtresse du roi, madame de Pompadour,  dont il devint le médecin personnel.

François Quesnay ne produisit rien personnellement sur le plan théorique, se faisant plutôt le promoteur du travail des autres, ce que le roi Louis XV traduisit en le disant « penseur ». Cette réputation lui valut, le jour où le roi voulut le récompenser en l’anoblissant, de se voir décerner un blason orné de trois petites fleurs qu’on appelle des Pensées. Sentit-il l’ironie de la chose ?

Il est certain que la seule expérimentation qu’on lui doive consista, en 1747, à faire macérer une pièce de bœuf dans de l’eau puis à la faire sécher, et enfin à comparer les poids successifs de ce morceau de viande : il avait perdu cinq sixièmes de son poids !

Mais c’est surtout comme économiste que François Quesnay restera dans l’Histoire. Il est celui qui, à partir d’observations qui lui apparaissaient comme relevant de l’évidence (le mot a fait florès), comprit que la circulation des subsistances dans le royaume devait se faire de façon naturelle comme le sang dans l’organisme.

Or, au royaume de France, la circulation des subsistances se faisait sous la surveillance tatillonne d’une police soucieuse avant tout d’empêcher des filous de s’enrichir sur le pain des Français. Spéculer sur la nourriture était un crime contre le peuple : le blé ne quittait un village que dans la mesure où toute la population s’était servie au prix qu’elle pouvait le payer, ce qui interdisait la spéculation et l’enrichissement indu.

C’est grâce aux ratiocinations de François Quesnay, totalement étranger à la réalité de la vie des gens, mais très soucieux d’enrichir la bourgeoisie, que naîtra le mouvement des « physiocrates », autre mot pour « économistes », qui ont fait passer pour « raisonnable » tout ce qui enrichissait son homme et « superstitieux » tout ce qui s’y opposait.

Quand Jacques Turgot, autre encyclopédiste, fut appelé au pouvoir par un Louis XVI désireux de donner satisfaction aux partisans des « Lumières », il mit en application les préceptes du bon docteur Quesnay, et déclencha dans tout le royaume une série d’émeutes de la faim qui furent violemment réprimées.

Le sac de l’hôtel Fisljean de Sainte-Colombe le 18 Avril 1775 La guerre des farines à Dijon

La loi du marché avait remplacé le bien commun,

François Quesnay s’y connaissait en matière d’économie comme en médecine : il fut surtout un mondain qui savait faire valoir les intérêts de ses amis auprès des puissants.

La royauté ne s’en remit pas.

Le présent article, commandé par des citoyens de Méré pour être publié au bulletin municipal, a été refusé par d’autres citoyens de Méré, à qui l’information n’a pas plu…

Ainsi va l’information dans la République.


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[1] C’est ce qu’affirme Liana Vardi, de l’Université de Buffalo, dans son article intitulé PHYSIOCRACY’S SCIENTIFIC FALLACIES, Paper presented to the Gimon Conference on French Political Economy, Stanford, 17 April 2004.

[2] Encyclopédie de Diderot, article « Saignée ».

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Infos de l'auteur

Marion Sigaut est bourguignonne. Née en 1950, elle a commencé à publier en 1989. Au début ses livres sont des récits autobiographiques (Le Petit Coco, Les Deux Cœurs du monde, du kibboutz à l’Intifada, Russes errants sans terre promise) qui racontent notamment sa rencontre avec Israéliens et Palestiniens. Puis, sa connaissance de la réalité israélo-palestinienne l’amène à publier quelques livres de commande auprès des éditions de l’Atelier. D’abord Libres femmes de Palestine et Mansour Kardosh, un juste à Nazareth, puis La Terre promise aux Sud-Africains. En 2001 elle reprend ses études d’Histoire, et commence à publier sur le sujet.

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